Mais qu'est-ce que l'Illumination ? Qu'est-ce que l'Éveil ?

Même dans la tradition du Yoga, cet aspect revêt différents noms et ne porte pas en lui la même signification. Je trouve ainsi passionnant de mettre en parallèle les différentes traditions qui ont inspiré le Yoga ou qui se sont inspirées du Yoga afin de mieux comprendre les raisons qui nous poussent à dérouler notre tapis.

Pour la tradition du Sāmkhya, l'Illumination est appelée Kaivalya, la discrimination. C'est la capacité à comprendre de manière empirique (par l'expérience et non en théorie) que la conscience (Purusha) est séparée de la matière (Prakriti). Cette compréhension passe par la libération des souffrances (Moksa ou Samādhi) dont je parlais au chapitre précédent (les causes de la souffrance se disent Klesha en sanskrit et la souffrance Duhkha). La libération des souffrances est atteinte lorsque la fluctuation mentale cesse (Yogas cittavrttinirodhah). 

Dans la tradition du Tantra, l'Illumination peut soit être l'éveil de la Kundalini, ce serpent d'énergie lové au bas de la colonne vertébrale, soit être Bhoga, la félicité ultime, soit encore l'union entre Shiva (la pure conscience) et Shakti (l'énergie). Pour cette tradition, l'Éveil est quelque chose qui se vit dans le corps car le corps lui-même est divin.

Dans la tradition hindouiste, le pratiquant a pour but de remplir 4 fonctions : la Brahmacharya (l'étude, l'éducation, l'abstinence, au début de la vie), le Grihastha (accomplissement à travers les biens matériels, le fait de procréer dans la force de l'âge), le Vānaprastha (le fait de se défaire de ses biens matériels, de se retirer du monde, quand on devient plus âgé) et enfin le Samnyasa (la poursuite de Moksha, la libération (c'est l'état de Sadhu, d'ascète ou de Baba)). Dans les Upanishad, l'ascétisme se comprend comme le fait de travailler en permanence sur la compréhension que l'égo n'est pas le vrai Soi (Ātman). L'Illumination, Moksha, est donc considérée comme une destruction totale de l'égo. 

Dans la tradition de l'Advaita Vedānta, l'Illumination correspond à la compréhension que l'essence de l'Être, Ātman, n'est autre que la réalité ultime, Brahma, qui nous entoure. Brahma est "caché" par notre ignorance (Avidyā) et par Māyā, l'illusion que le monde qui nous entoure est vrai. Il s'agit donc d'une forme d'union entre Ātman et Brahman, que l'on acquiert grâce à la connaissance et à la dissipation de Māyā, l'illusion. Cette union, cette libération de l'ignorance est aussi appelée Moksha.

Dans la tradition Jaïne, le but du pratiquant est d'atteindre Moksha ou Nirvāna (la fin des cycles du Samsāra, la réincarnation), à travers ce que les jaïns appellent le chemin de purification. Ce chemin de purification passe par la non-violence absolue (ahimsā), la méditation et le jeûne.

Dans la tradition du Bouddhisme Mahāyāna, on parlera de l'Éveil comme Nirvāna ou comme le fait de parvenir à la libération du Samsāra (la roue des réincarnations). Les aspirants à l'Éveil doivent suivre les quatre brahmavihāras (compassion, joie, bienveillance et équanimité) et les six pāramitās (générosité, moralité, patience, effort, méditation (dhyāna) et sagesse). Les Bodhisattva sont des pratiquants qui retardent leur éveil afin d'apporter l'éveil aux autres êtres humains. Leur but est d'aider chaque être humain à mettre un terme à Dukha, la souffrance, et à devenir eux-même des êtres éveillés, libérés du cycle des réincarnations.

Dans la tradition du Bouddhisme Zen, zazen (la pratique de la méditation) est elle-même réalisation de sa propre nature de Bouddha ou Satori. Il suffit de s’asseoir immobile et silencieux pour s'harmoniser avec l'illumination du Bouddha. Néanmoins, selon le bouddhisme zen, même l'éveil ne saurait être un but en soi. Zazen doit être sans but, il aide à la connaissance de soi-même et à la découverte de sa vraie nature.

Et pour vous, c'est quoi l'Illumination ? Est-ce un but ?