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La Communication Non-Violente

Ariane Albecker • févr. 17, 2021

Qu'est-ce que la Communication Non-Violente (CNV) ?

La CNV est un outil qui a été mis au point dans les années 60 par Marshall Rosenberg. Le nom Communication Non-Violente est issu du mouvement non-violent mené par Gandhi en Inde. Grâce à des actions non-violentes, Gandhi est parvenu à rallier les anglais à sa cause alors que c’était loin d’être gagné, dans un monde qui avait été colonialiste jusqu’alors. 

Le travail de Marshall Rosenberg repose sur l’observation que bien souvent, au lieu d’exposer ce dont nous avons besoin, nous cherchons à convaincre l’autre. Pour ce faire, nous lui faisons des reproches ou nous le jugeons. Or, plus on cherche à convaincre quelqu’un que l’on a raison et qu’il/elle a tort, plus cette personne se braque et moins on parvient à une solution satisfaisante pour les deux parties. Plus nous abreuvons l’autre de reproches, plus notre interlocuteur.rice se braque, incapable d’écouter ce que son cerveau perçoit comme une menace. Impossible alors de trouver un terrain d’entente. Ce que l’on crée, ce sont des conflits plutôt que de l’entente, ou pire des relations toxiques dans lesquelles nous souffrons. 

Contrairement à ce que l’on pourrait croire, la première étape de la CNV concerne la relation que nous avons avec nous-même. Il ne suffit pas de parler à la première personne pour pratiquer la CNV. C’est beaucoup plus profond que ça ! Il s’agit d’aller à la rencontre de nos émotions et de nos besoins afin de pouvoir les exprimer avec clarté et bienveillance. Lorsque l’on procède de la sorte, on peut être aligné entre ce qui se passe à l’intérieur de soi et notre manière de l’exprimer et l'on peut avancer avec l'autre plutôt que contre l'autre.

Les obstacles à la Communication Bienveillante


Les premiers obstacles à une communication bienveillante ce sont : 


  • les petites phrases toutes faites : "c'est toujours comme ça", "il n'est jamais à l'heure"...

  • Les phrases pour affirmer une domination : les ordres, les menaces, les exigences, la dévalorisation de soi ou des autres, les systèmes de punition/récompenses, les jugements, les critiques, "ça ne se fait pas", "ce n'est pas poli de..."

  • les pensées figées et les croyances : "je n'ai pas le choix", "je n'y arriverai jamais", "c'est vraiment une chieuse celle là", "j'ai raison et tu as tort"...

  • le déni de responsabilité : "il faut, je dois", "tu as tout pour être heureux.se", l'utilisation de "on" plutôt que "je", "ce n'est pas ma faute"...

  • les interprétations et les projections : "il/elle ne m'a pas dit bonjour donc il/elle me fait la gueule", "il faut bien que je me dévoue", "tu devrais aimer ça", "ça te fera du bien"...

  • les phrases pour blinder le ressenti : "un garçon ça ne pleure pas", "tu es vraiment laide quand tu es en colère", "tu dois être fort.e", "à ton âge, on ne devrait plus pleurer pour ça"...


Avec ce genre d'affirmations, on se coupe de l'autre, de son ressenti et de ses besoins, on se coupe de ses propres ressentis et besoins et on ne vit plus dans l'instant présent. Ce sont typiquement des expressions qui nous positionnent soit dans une relation de sauveur, de victime ou de tyran. La CNV nous propose de changer de danse et, plutôt que d'occuper l'une de ces positions, de devenir acteur-actrice de sa propre vie en prenant la responsabilité de notre ressenti, de nos besoins et de notre parole.


S'exprimer pour "Rentrer en soi"


Afin de pouvoir partager ses ressentis et besoins avec clarté, il est nécessaire de suivre 4 étapes : la description des faits sans interprétation, l'accueil de ses émotions et sentiments, l'expression de ses besoins et enfin la définition de la démarche ou de la demande à entreprendre.


L'observation des faits


Nous sommes faits pour interpréter le monde qui nous entoure. Cela nous permet de donner du sens à ce qui nous arrive, mais aussi de créer du lien avec les autres. Pouvoir comprendre les expressions faciales d'une personne nous permet de générer de l'empathie envers l'autre. Pouvoir interpréter un geste de violence nous permet de nous mettre à l'abris. C'est donc un élément essentiel à notre survie. Cependant, nous avons tendance à le faire systématiquement et à partager cette interprétation, même si elle ne se base sur rien de concret. Il est en effet absolument impossible de savoir ce qui se passe dans la tête de quelqu'un d'autre, à moins de lui poser la question et qu'il/elle nous réponde avec sincérité.


La première étape consiste donc à essayer de s'en tenir aux faits. Lors de ma formation au premier module de la CNV, notre formatrice nous avait fait un petit mime silencieux. Elle était rentrée dans la pièce en claquant la porte, s'était mise à fouiller frénétiquement dans son sac puis à marcher nerveusement jusqu'à ce qu'elle semble se souvenir de quelque chose. Elle s'était enfin assise à sa place l'air satisfait. Nous avions ensuite du décrire la scène. La plupart d'entre nous avait décrit la scène ainsi : "une femme en colère rentre dans la pièce en claquant la porte. Elle semble avoir perdu quelque chose. Elle a l'air angoissé puis tout à coup soulagée de penser que l'objet perdu se trouve quelque part et qu'elle sait où. Elle s'assied ensuite, rassurée."


Tout cela est une INTERPRETATION ! Nous avions interprété le ressenti de cette femme sans savoir ce qu'il en était réellement. La simple observation des faits aurait consisté à dire : "une femme entre dans la pièce en claquant la porte. Elle cherche quelque chose dans un sac. Elle marche dans la pièce. Elle se frappe le front et enfin elle s'assied sur une chaise".


Dans la vie de tous les jours, nous ne cessons jamais d'interpréter ce qui nous arrive. Une personne met du temps à répondre à notre message et nous interprétons ce retard comme si la personne n'avait pas envie de nous voir. Quelqu'un ne nous dit pas bonjour et nous pensons que cette personne nous en veut. Un.e participant.e à une formation arrive en retard et nous nous disons "quel manque de respect !" ou encore "elle/il arrive toujours en retard". Nous interprétons et enfermons les autres dans des cases.


Lorsque nous nous en tenons aux faits, cela nous permet de ne pas prendre les choses personnellement. Si je me dis : "mon ami.e a mis 3 jours à me répondre", je souffrirai bien moins que si je me dis : "mon ami.e met toujours des jours et des jours à répondre parce que je dois sûrement l'embêter".


Cela nous permet également de trouver un terrain d'entente avec l'autre, lorsque nous traversons un conflit ou une divergence d'opinion. En effet, si je dis à l'autre : "tu arrives toujours en retard", l'autre va comprendre cela comme un reproche et va essayer de prouver que non, le 18 Décembre 1998, il/elle est arrivé.e à l'heure. Cette phrase est donc fausse ! Par contre, si je dis : "j'ai remarqué que tu avais 10 minutes de retard lors de la réunion de jeudi et que tu avais 30mn de retard lors de la réunion de mardi", alors nous partons sur un terrain possible d'entente.



Les émotions sont des voyants pour exprimer nos besoins profonds



Notre formatrice, Axelle, comparait nos ressentis aux voyants du tableau de bord d'une voiture. Chaque voyant correspond à un réservoir, que l'on peut comparer à nos besoins. Ainsi, si notre voyant d'essence s'allume, nous savons que notre réservoir d'essence va bientôt être vide et que nous devons passer à la station service pour remplir ce réservoir. Si notre voyant "tristesse" s'allume, cela signifie peut-être que notre réservoir de "tendresse" est vide et que nous devons exprimer cela à notre conjoint.e ou à notre ami.e. 


Très souvent, pourtant, au lieu d'aller à la station service pour chercher de l'essence, nous collons un sparadrap sur le voyant lumineux pour ne pas voir notre émotion. À force de coller des sparadraps partout sur notre tableau de bord, notre voiture finit en panne et nous vivons un accident, une blessure, un burn-out, une dépression, un événement,  qui nous oblige à regarder en face les voyants lumineux et à essayer de mieux remplir nos besoins. 

Il est donc essentiel d'accueillir ses émotions et ses ressentis afin de mieux comprendre de quoi nous avons besoin. Mon ressenti de fatigue m'indique par exemple que mon besoin de repos n'est pas rempli. Mon ressenti d'être plein.e d'énergie m'indique au contraire que mon besoin de repos est comblé.


Cette vision du rôle de l'émotion nous permet de comprendre que nous sommes pleinement responsable de ce qui se passe en nous, plutôt que de faire peser la responsabilité sur l'autre. En effet, un comportement peut entraîner différentes réaction en fonction du conditionnement et du vécu de chacun.e. et l'autre n'en est pas responsable (il/elle reste toutefois entièrement responsable de ses actes ! Mais pas des émotions qu'il/elle génère en nous.).


Il nous est ainsi arrivé une drôle d'aventure au début de la formation de CNV qui nous a tout de suite fait comprendre qu'un comportement pouvait générer beaucoup de ressentis différents. Une participante, après être arrivée, a décidé de ne pas participer au week-end de formation parce qu'elle était en désaccord avec les règles du groupe que nous avions fixés ensemble. Nous en avons longuement discuté et il s'est avéré que son départ a provoqué soit de la culpabilité, soit de la compassion, soit de l'irritation, soit encore de l'indifférence.


Un autre écueil consiste à confondre son ressenti avec son mental et son ressenti avec ce que fait l'autre. C'est ce que notre formatrice, Axelle, appelle les "demi-sentiments". Cela peut consister à se comporter en victime ("je me sens : attaqué.e, maltraité.e, contraint.e, materné.e, défavorisé.e, négligé.e, pas aimé.e, ridiculisé.e..."), à porter un jugement positif ou négatif ("je me sens : intelligent.e, inutile, avare, maladroit.e, nul.le, paresseux, coupable, sans valeur...") ou encore à faire porter la responsabilité de mes émotions sur l'autre ("je me sens : trahi.e, abandonné.e, manipulé.e, utilisé.e..."). Pour ce dernier cas, on peut parfois se rapprocher de la manipulation car on utilise certes la première personne, mais on parle en fait du comportement de l'autre plutôt que de notre ressenti. Mais ces mots nous permettent toute fois d'investiguer un peu plus en profondeur ce qui se passe en nous. Si, par exemple, j'ai l'impression d'être manipulé.e, c'est une manière pour moi de dire qu'en fait, je me sens en colère car mon besoin d'authenticité n'a pas été respecté.


Une fois que j'ai identifié mon émotion ou mon ressenti, je peux découvrir quel est le besoin qui se cache derrière. Là aussi, il est important de ne pas confondre besoins et solutions, car là aussi, on peut tomber dans la manipulation ! Ce n'est pas parce que je dis "j'ai besoin de..." que j'exprime toujours un besoin réel. Par exemple, si je dis "j'ai besoin que tu remplisses ce dossier pour moi", je parle d'une solution mais pas de mon besoin qui pourrait plutôt consister en un besoin de collaboration. Dans ce cas là, la meilleure façon de m'exprimer par rapport à ce qui se passe à l'intérieur de moi serait : "je me sens débordée, j'aurais besoin que nous collaborions plus ensemble. Pourrais-tu remplir ce dossier ?" (nous viendrons juste après sur la question de la demande). 


Pour mieux nous aider à ne pas confondre ressenti et demi-sentiments et besoin et solutions, voici deux listes qui sont très utiles. N'hésitez pas à les imprimer et à la accrocher au dessus de votre lit ou de votre frigo !



Notez qu'une même situation peut engendrer plusieurs ressentis (on peut se sentir tendu et curieux.se ou effrayé et plein de vie) et qu'une même émotion peut couvrir plusieurs besoins (je me sens déboussolé.e parce que mes besoins de transparence et de réciprocité ne sont pas remplis).


Nous avons donc vu que pour communiquer avec bienveillance les trois premières étapes étaient de considérer les faits sans les interpréter, d'accueillir son ressenti et de comprendre quel était le besoin derrière. Voyons à présent comment faire une demande par rapport à ces trois éléments.


Faire une demande


Il existe 8 critères pour qu'une demande ait plus de chances d'être satisfaite. Une demande doit :


  • être en lien avec un ressenti et un besoin clairement exprimés. Nous avons tous besoin de sens. Si l'autre me demande quelque chose mais que je ne sais pas pourquoi, j'aurais beaucoup moins envie de répondre à sa demande. Par exemple, j'aurais beaucoup plus tendance à satisfaire quelqu'un si il/elle me dit : "je me sens épuisé.e, j'ai vraiment besoin de repos. Pourrais-tu faire ce travail pour moi ?", plutôt que si il/elle me dit : "Tu peux faire ça pour moi ? Je n'ai pas envie de le faire !". Exposer clairement son ressenti et ses besoins permet à l'autre de répondre avec l'élan du coeur plutôt que sous la contrainte.


  • être claire. Si j'attends que l'autre devine ce que je souhaite, il y a peu de chance qu'il/elle le fasse. Par exemple, si je me sens triste parce que j'ai besoin de tendresse; ce n'est pas en faisant la gueule que je vais arriver à quelque chose. Par contre, si je demande clairement : "j'aimerais beaucoup que tu me prennes dans tes bras", c'est beaucoup plus clair !


  • être concrète et précise. J'aurais beaucoup plus tendance à faire quelque chose de précis, plutôt que quelque chose de vague. Ainsi, si on me demande "pourrais-tu faire le ménage?", je vais le faire, mais par rapport à ce qui est important pour moi ! Donc peut-être que je vais décider de faire la vaisselle et passer l'aspirateur. Et pour l'autre, faire le ménage, ce sera peut-être de nettoyer les vitres. Du coup, la scène suivante pourra suivre : "mais je t'avais demandé de faire le ménage ! " et moi : "ben oui, j'ai fait la vaisselle et passé l'aspirateur !". Conflit ! :)


  • être positive. Dire ce que l'on souhaite plutôt que ce que l'on ne souhaite pas, cela fonctionne toujours mieux ! Le cerveau répond toujours mieux aux injonctions positives qu'aux injonctions négatives. Ainsi, plutôt que de dire : "j'aimerais bien que tu ne manges pas devant la télé", cela fonctionnera mieux de dire "j'aimerais beaucoup que tu manges sur la table de la cuisine".


  • être réaliste et réalisable. On peut ici revenir à l'exemple du ménage (qui est souvent une source de conflit, ne nous voilons pas la face !). Si je demande à l'autre de "faire le ménage" ou de "ranger impeccablement sa chambre", cela pourra sembler beaucoup pour l'autre. Tandis que si je demande "pourrais-tu faire la vaisselle ?" ou encore "pourrais-tu plier tes vêtements propres ?", cela semble beaucoup moins insurmontable. La politique des petits pas est souvent plus efficace que de placer la barre trop haut (surtout si on part de loin !).


  • être située dans le temps. Plus on est précis, plus on pose un cadre, plus la demande semble atteignable et rassurante. De plus, cela évite les quiproquos !


  • être négociable. C'est un point important pour éviter d'être dans la manipulation ! Lorsqu'on pose une question, on accepte implicitement que l'autre puisse dire non. Si on n'accepte pas son refus, alors il s'agissait d'un ordre ou d'une exigence déguisée en demande ! Si la demande est précise et située dans le temps, il faut aussi accepter que l'autre puisse nous dire : "je veux bien remplir ce dossier, mais pas pour demain, pour la semaine prochaine" ou encore "je veux bien ranger mes chaussettes sales, mais pas faire la vaisselle". Notez qu'en cas de danger ou d'urgence, formuler un ordre est parfois tout à fait approprié ! Simplement, il faut être honnête par rapport à la formulation : c'est un ordre et non une demande !


  • être formulée avec bienveillance et avec un point d'interrogation.



Si vous avez apprécié cet article sur la CNV, vous aimerez sans doute ma séance sur ce sujet où nous abordons les ressentis. Cela pourra vous aider, surtout si vous avez du mal à identifier ce que vous ressentez au quotidien.



Je tiens à remercier du fond du coeur Axelle Schermann pour sa transmission de la CNV et la permission de partager le contenu de ses modules. Vous retrouverez ses ateliers ici : https://www.communication-bienveillante-alsace.fr


Si vous souhaitez approfondir le sujet, je vous recommande le livre de Marshall Rosenberg : Les mots sont des fenêtres (ou bien des murs)

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