Blog Post

Pourquoi je continue à pratiquer le Yoga

Ariane Albecker • nov. 03, 2021

"Tapah svādhyāya Īshvarapranidhānāni kriyāyogah"

Yoga Sutra de Patañjali II.1


Cette phrase est la première sutra du 2e chapitre des Sutra de Patañjali. Ce chapitre s'intitule Sādhana Pāda. Une sādhana est une pratique que l'on suit, une discipline quelle qu'elle soit. Ce chapitre est ainsi consacré à la description de la pratique du Yoga, à celles et ceux qui souhaitent commencer leur route sur le chemin du Yoga.


Tapas signifie en sanskrit l'intensité/l'ardeur/le zèle/la chaleur. Svādhyāya est le principe du Yoga qui vise à partir à l'exploration des textes anciens mais aussi de soi. On peut le comprendre aujourd'hui comme la pratique de l'introspection, comme la compréhension des conditionnements qui nous enferment, des peurs qui nous bloquent, des désirs qui se font passer pour des besoins, des émotions qui sont trop enfouies pour ressurgir. Īshvara symbolise ce qu'il y a de plus grand que nous. Ce n'est pas une notion dogmatique d'un dieu ou d'une divinité, mais plutôt l'idée qu'il y a quelque chose de plus grand que notre personne, quelque chose qui nous dépasse et nous transcende. Pranidhānāni, c'est le fait de s'abandonner à, de se tourner vers. Kriyāyogah, c'est le yoga de l'action, l'idée de rendre son chemin spirituel palpable par des actions concrètes.


On peut ainsi traduire cette sutra de la manière suivante : Le Yoga de l'action consiste à cultiver l'ardeur dans la compréhension de qui l'on est tout en intégrant le fait qu'il y a quelque chose de plus grand que nous qui nous transcende. 

Ce que j'aime dans cette sutra, c'est à la fois le fait qu'elle pose les bases de ce qu'est la pratique du Yoga, mais contient aussi plusieurs strates de compréhension. Tout d'abord, Patañjali nous rappelle que la pratique dont il parle est une mise en mouvement, une série d'actions. Les Kriyā peuvent être des exercices spécifiques mais ils signifient aussi pour moi le fait que la pratique du Yoga ne se cantonne pas à des exercices mais réside dans tous nos actes du quotidien. Il n'existe pas de frontière entre notre tapis et le reste de la vie. La notion de Tapas, vient amplifier cette idée : ce n'est pas en faisant quelques mouvements par ci par là de temps en temps que l'on parvient à un résultat. Ce chemin demande de la persévérance et une attention constante.


Avec cette sutra, Patañjali nous invite aussi à comprendre que la pratique du Yoga est une rencontre avec soi-même. Elle nous invite à chercher qui nous sommes, comment nous réfléchissons, pourquoi nous sommes là où nous sommes, pourquoi nous faisons tel ou tel choix, qu'est-ce qui nous freine ou au contraire nous anime, quel est notre rapport au monde et aux autres, quels sont nos discours intérieurs. Les postures de Yoga seules, même si elles nous apportent de nombreuses lumières sur nous-mêmes, ne suffisent souvent pas à faire cette exploration. La lecture des textes anciens, la méditation, l'Ayurveda (médecine traditionnelle indienne), les thérapies, les rencontres, nos expériences... toutes ces choses nous aident à mieux nous connaître si nous y portons assez d'attention et de zèle. 


Svādhyāya est aussi une invitation à comprendre la complexité de notre Être. Nous ne sommes pas juste des êtres faits de chair et d'os, nous avons différentes enveloppes qui nous constituent (ce qu'on appelle les kosha en sanskrit). Des enveloppes de matière, d'autres d'énergie, d'autres de conscience et de félicité. 


Mais la pratique du Yoga ne consiste pas qu'à apprendre à se connaître soi. C'est aussi un chemin qui nous invite à considérer que notre être n'est pas le centre du monde, qu'il y a une puissance qui nous dépasse et nous transcende. Certain.e.s l'appellent l'Univers, d'autres Dieu, d'autres encore la Nature ou l'Amour. Passer son temps à pratiquer l'introspection n'a aucun intérêt si l'on oublie que nous faisons parti d'un tout, que nous sommes entouré.e.s d'autres êtres en chemin.

La position de cette sutra, en tout début de chapitre sur les pratiques du Yoga, pose en quelque sorte l'intention qui se trouve derrière cette philosophie. En fait, elle nous invite à réfléchir sur "Pourquoi est-ce que je pratique le Yoga ?" C'est une question que l'on peut se poser que l'on soit débutant ou au contraire, très avancé sur son chemin avec le Yoga. Quand je me suis dernièrement posé cette question, très spontanément, j'ai répondu : parce que mon corps en a besoin ! Et puis, en y réfléchissant un peu plus profondément, ma deuxième réponse a été : parce que je cherche à me libérer de mes conditionnements (et dieu sait si il y en a un paquet ! ). J'ai ainsi le sentiment que depuis que j'ai déroulé un tapis de Yoga pour la première fois, chacun de mes pas, chacune des rencontres que j'ai faite, chacune des formations que j'ai suivie, est venu déconstruire des préjugés ou des croyances et abattre des murs pour reconstruire quelque chose de nouveau.


Pendant longtemps, j'ai ainsi cru que le Yoga c'était l'Ashtanga Vinyasa Yoga et rien d'autre. Et bim, en suivant ma première formation de Yoga, je découvre que la méditation est au centre de la pratique et que les postures ne sont en fait qu'un moyen de parvenir à une assise confortable. Je croyais dur comme fer que le Yoga avait une portée universelle, et bam, après ma formation avec Uma Dinsmore-Tuli, je comprends que le corps des femmes a été quasi complètement délaissé de l'enseignement moderne. J'étais triste en pensant que le Yoga était une pratique individualiste et bim bam boum, je rencontre le Bhakti Yoga, la dévotion, le chant du partage et de l'amour inconditionnel.


Dernièrement, c'est avec la CNV (communication non-violente) que cela m'a frappé. Il s'agit d'une pratique relativement éloignée du Yoga (même si, au final, pas tant que ça, mais c'est un autre débat ! ), et pourtant, même si j'en suis encore à mes premiers pas, la CNV me permet déjà de voir à quel point je peux être conditionnée dans mes interactions avec les autres, au lieu d'être simplement présente à ce qui est en train de se jouer. Quand j'écoute quelqu'un, je vais avoir tendance à vouloir le/la conseiller ou à parler de mon expérience plutôt que d'être le réceptacle bienveillant de sa parole.


Depuis peu, je me fais également suivre par une chiropraticienne et j'en viens à me questionner sur mon alimentation. J'ai longtemps vu la nourriture comme un acte politique, comme une manière de préserver le vivant et ce qui me préoccupait avant tout, c'était cette démarche là. Or maintenant, j'en viens à explorer quels sont les aliments qui me font du bien et quels sont ceux qui peut-être créent des déséquilibres dans mon corps. Indirectement, par un biais que je n'aurais pas imaginé, c'est un peu d'Ayurveda qui vient s'insinuer dans ma vie.

Alors pourquoi est-ce que je continue de monter sur mon tapis de Yoga encore et encore ? Bien sûr, c'est pour cette sensation physique et mentale que procure la pratique des postures, pour la douche mentale qu'apporte la méditation. Mais c'est aussi et avant tout parce le Yoga m'ouvre de nouvelles portes chaque jour, parce qu'il m'aide à voir toutes les dimensions de mon être et leur complexité, parce qu'il vient imprégner chacune de mes journées, parce qu'il remet tout en question et en perspective, parce qu'il apporte de la douceur là où il y a de la dureté, parce qu'il apporte de la lumière là où il y a les ténèbres. 


Mes conditionnements et croyances sont comme des nuages qui m'empêchent de voir qui se tient vraiment derrière, que ce soit moi-même ou bien la personne qui se tient à côté de moi. Le Yoga est le vent qui vient doucement dissiper ces nuages, encore et encore.


Ainsi, je partage complètement la vision de Sharon Gannon sur ce sujet :

"Vous ne pouvez pas faire de Yoga. Yoga est votre état naturel. Ce que vous pouvez faire ce sont des exercices de Yoga qui peuvent vous révéler où vous résistez à votre état naturel."

par Ariane Albecker 21 oct., 2022
Une notion d'enfance qui semblait si évidente.
par Ariane Albecker 20 oct., 2022
Les émotions sont intrinsèquement liées au corps.
ariane yogacoaching
par Ariane Albecker 01 sept., 2022
Il me tenait à coeur de vous partager la situation et d'être transparente avec vous sur YogaCoaching, ce qui arrive et comment nous allons essayer d'assurer l'avenir de ce beau projet.
par Ariane 25 févr., 2022
Ganesh est un mythe essentiel que je vous propose d'explorer via un podcast et une séance de Vinyasa Yoga complète.
Montrer plus
Share by: